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12 avril 2020 7 12 /04 /avril /2020 14:16

Voici un autre discours écrit pour la préparation d'un concours d'éloquence. Il y a ici une argumentation construite, progressive, mais pas seulement. L'argumentation ne suffit pas toujours pour convaincre dans un discours. Il faut utiliser d'autres stratégies. Ici, j'ai essayé de parler au public, de le faire rire éventuellement, d'être complice et provocatrice. Il faut marquer les esprits, par tous les moyens.

Bonne lecture!

 

 

« Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ».

Pour vivre ensemble, nous devons limiter notre liberté.

Mais cette limitation n’a pour but que de nous protéger des autres, de protéger notre liberté des excès des autres. Ainsi, en limitant chacun, chacun a autant de liberté que son voisin.

Je ne sais pas si c’est un bon exemple, mais si je possède une tablette de chocolat, je peux la manger comme je veux. Je ne vais pas me la faire piquer par mon voisin parce qu’elle est à moi. De la même façon, je ne vais pas aller lui piquer la sienne, il la mangera comme il voudra. Nous sommes libres tous les deux de manger notre tablette comme nous voulons, quand nous voulons, sans risque de la voir disparaitre autrement. En nous empêchant de prendre les affaires l’un de l’autre, nous sommes libres de faire ce que nous voulons de nos biens.

Evidemment, cela suppose que nous puissions tous les deux avoir une tablette de chocolat au départ.

Mais si nous n’avons pas cette possibilité tous les deux, n’est-ce pas parce qu’au départ la liberté de l’un de nous deux n’était pas respectée ? N’est-ce pas parce que ma liberté était limitée et pas celle de mon voisin ?

Oui, il convient de brider la liberté de chacun pour que nous ayons tous les mêmes chances, les mêmes possibilités.

 

Nous parlons cependant là des cas où tout le monde est bienveillant et respecte spontanément les règles, cette règle : celle du respect de la liberté d’autrui. Malheureusement, le monde n’est pas si beau. Il y en a toujours qui voudront me piquer ma tablette de chocolat malgré tout. Ceux-là, il faut pouvoir les arrêter.

 

C’est là qu’intervient un agent de régulation : la police.

Il y a des criminels, qui se cachent, et qui me veulent du mal. En réalité, sans la police, et sans vouloir être pessimiste, je crois bien que si je ne mangeais pas ma tablette de chocolat tout de suite, je ne la mangerais jamais.

L’homme est un loup pour l’homme, nous dit Hobbes. La bienveillance de chacun ne pourrait bien être qu’une crainte de la police et des conséquences négatives d’actes répréhensibles, d’actes contre la liberté des autres. Oui, de la liberté, nous en voulons toujours plus, encore plus, à en oublier bien souvent que cela voudrait dire encore moins.

 

Il y a donc la police, et dans les moments difficiles, nous savons tous leur rendre hommage, les remercier pour leur courage. Le reste du temps, il nous arrive d’être moins indulgents. Car la police nous surveille tous, nous guette tous, veille bien à limiter notre liberté, et c’est ce que nous pourrions ressentir, même si c’est pour la protéger en fait.

 

En effet, pour me protéger, ou dissuader les malfaiteurs, il faut les voir, les empêcher, les attraper, leur faire comprendre que leur crime ne sera pas impuni et ne leur rapportera rien.

Pas vu, pas pris, dit-on. Pas su, pas de mal commis. Si j’ai l’assurance de le pas être pris, n’oserais-je pas le méfait ? Personne ne saura jamais que c’est moi qui ai mangé cette tablette, pourquoi m’en priver, dit mon petit diable intérieur. Et peu importe ce que lui dira le petit ange, la tablette est en danger.

Oui, mais si quelqu’un savait ?

 

Le savoir, c’est le pouvoir.

On ne peut pas échapper à une police qui saurait tout. L’assurance d’être pris nous empêcherait de commettre le moindre méfait. N’est-ce pas là une société idéale ?

 

Idéale vraiment ? J’en vois certains hocher la tête.

Idéale vraiment ?

 

Tout savoir, c’est vraiment le droit que vous voulez donner à la police ?

Tout savoir sur moi aussi ? 

Non. ça je ne veux pas.

 

Je ne veux pas que [raclement de gorge] tout le monde sache que je regarde "plus belle la vie" en streaming sur Youtube, nue en face du ventilateur en été en mangeant une tablette de chocolat sur mon lit – oui encore -,

Je ne veux pas que la police débarque chez moi à deux heures du matin et nue, encore, - arrêtez de fantasmer bande de voyeurs [pause] vous voyez comment vous êtes? Cela illustre très bien mon propos… [pause]

 

Nue encore donc, je disais, en train de prendre ma pause sandwich, et avec la police qui pénètre chez moi parce que quelqu'un aurait eu un doute sur le fait que j'aie bien acheté un DVD  avant.

 

Et si je vous dis tout cela, oh bienveillant public, c'est que je peux encore vous laisser penser que j'avoue ces petits travers personnels, totalement inavouables, uniquement comme exemples à mon propos, et  tout à fait improbables, ce qui peut vous laisser penser que j'ai tout inventé.

Si je peux parler comme cela, et faire planer ce doute, c'est que oui, je suis libre, j'ai une vie privée qui ne regarde que moi et que vous ne connaissez pas, et que jamais vous ne pourrez vérifier si cela est vrai, ou si cela est bien en deçà de la vérité. [pause]

 

Et oui, cher public, défendons notre liberté, celle de faire n'importe quoi sans que personne ne le sache jamais, sans aucune honte, et avec ce plaisir immense d'avoir ce petit moment pour nous, et nous seuls.

 

Et si cela parait encore futile à certains d'entre vous, face au risque que peuvent représenter des terroristes, sachez que cela s'applique aussi aux supporters [nom d'un club de sport connu pour être mauvais]. [sourire]

 

Alors oui, protégez ma liberté, mesdames et messieurs les politiques, arrêtez-moi avec la police, si j’empiète sur la liberté des autres et condamnez-moi. Informez-moi si j’ai un risque de contamination, mais n’entrez pas chez moi dans mon intimité comme bon vous semble.

C’est votre travail de rester sur cette crête, étroite certes, mais qui nous garantira à tous de vivre harmonieusement ensemble.

 

Ainsi, et plus sérieusement,

S'il faut limiter ma liberté pour lutter contre les terroristes, alors autant dire que les terroristes ont gagné.

 

Et un dernier mot peut-être par sécurité, car je sais ce que vous pensez ici, même si vous êtes libres de le faire : non, je ne suis pas boulimique, juste un peu gourmande…

Merci.

 

74/365 - Yummy
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